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maman-alzheimer-et-nous.over-blog.com
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Presque un mois et déjà une éternité sans eux

Cela va bientôt faire un mois que tout a basculé.
Jeudi 25 janvier en me levant, je me disais « ce soir je vais voir maman. J’espère qu’elle sera en meilleure forme que lundi soir. »

Le lundi soir je l’avais trouvée dans sa chambre, assise sur son fauteuil, à moitié dans la pénombre. Elle était contente de me voir. Même si elle ne me reconnaissait plus, elle savait que j’étais quelqu’un qu’elle aimait.

Je l’ai serrée dans mes bras, je lui ai dit que je l’aimais, que c’était ma petite maman d’amour.
Je ne savais pas que c’était la dernière fois que je la serrais dans mes bras.

Je l’ai accompagnée à table et j’ai essayé de la faire manger. En vain, ou si peu...
alors que la semaine précédente elle avait bien mangé avec moi.
Elle ne voulait pratiquement pas ouvrir la bouche.

À un moment elle m’a dit « je veux mourir ». Ce n’était pas la première fois qu’elle disait cela. Je lui ai dit qu’elle ne devait pas dire des choses pareilles, que cela me rendait triste.

Ce soir là je suis partie frustrée, agacée parce que je m’étais sentie impuissante.
Ce soir là je ne me suis pas sentie utile.

Le jeudi suivant quand le docteur G. a appelé vers 13:45 et qu’elle m’a annoncé la nouvelle, ma première réaction a été de la sidération.

Comme si mon cerveau ne comprenait pas ce que mes oreilles venaient d’entendre. Et puis les larmes sont venues. J’écoutais les explications et tout se mélangeait dans ma tête.
J’ai dû lui faire répéter certaines choses. Maman était morte d’un infarctus, ça a été rapide, ils n’ont rien pu faire.
Pour me consoler un peu elle m’a dit qu’elle n’avait pas souffert, que juste avant elle avait bien mangé et qu’elle avait même été souriante pendant le repas.
Ça aurait pu me « consoler » mais la seule chose que je me suis dit c’est que je n’étais pas là pour cueillir ses derniers sourires. Cela faisait tellement longtemps que je ne l’avais pas vu sourire...

J’étais chez mon père ce midi là et c’est moi qui lui ai annoncé la nouvelle.
Il a eu la même réaction que moi au début, un moment de sidération avant de vraiment comprendre la nouvelle.

Et ensuite les larmes, nos larmes qui se mêlent, nos bras qui s’étreignent. Je n’arrêtais pas de lui dire « tu tiens le coup hein? Tu ne nous laisses pas s’il te plaît »

Dans mon cœur, dans mes tripes, la tristesse explose et en même temps une pensée qui ne peut s’empêcher de me monter à l’esprit : maman est enfin libérée de cette putain de maladie. Des sentiments mêlés qui font encore plus couler mes larmes.

Et puis il faut prévenir tout le monde...
La famille se rassemble, même ceux qui sont loin sautent dans leur voiture ou dans un train et nous rejoignent.

Je ne rentrerais pas dans le détail de ce qui s’est passé cet après midi là. La seule chose que je peux dire c’est que maman était allongée dans son lit et qu’elle avait l’air de dormir, apaisée...
Nous avons passé toute l’après midi chez papa jusque tard le soir. Nous avons parlé, pleuré, parfois ri et encore pleuré.
Nous l’avons quitté le soir et nous sommes tous rentrés chez nous car une grosse journée nous attendait le lendemain. On ne savait pas à quel point elle allait changer nos vies...

Je ne rentrerais pas non plus dans le détail de cette matinée. Je pense que ces images de cauchemar hanteront longtemps ma mémoire.
Alors je serais brève. Papa, certainement après une nuit d’insomnie, est allé chercher son journal, comme tous les matins et, en revenant, il s’est écroulé sur le pas de sa porte.

C’est comme cela que mon frère l’a trouvé quand il est passé le chercher pour aller aux pompes funèbres.
Il était encore conscient. Les pompiers sont arrivés rapidement. C’est dans le camion de pompier que papa a fait un arrêt cardiaque. Le Samu est arrivé, ils ont tout fait pour essayer de le réanimer, mais en vain.

Papa nous a quitté à 10:30 moins de 24h après maman.

Ce matin là, quand nous attendions de savoir si papa allait s’en sortir, j’ai bien cru que j’allais sombrer, ne jamais pouvoir supporter ce nouveau drame.
Je savais que les nouvelles ne seraient pas bonnes. Je savais... je l’ai vu dans les yeux de mon père quand nous sommes arrivés. Je l’ai vu dans les yeux de ma fille, qui de par son métier d’infirmière aux urgences à tout de suite su que la situation était critique.

Alors j’ai craqué, j’ai pleuré comme je n’avais plus pleuré depuis longtemps. Je crois même que j’ai hurlé, de peur, de colère, de chagrin...
Et là, si mon frère et ma fille n’avaient pas été là, oui c’est sûr j’aurais sombré.

A tour de rôle, ils m’ont « récupérée » en me prenant par les épaules en m’obligeant à les regarder. Pour que je m’accroche à leurs yeux et que j’écoute leurs paroles. Ils ont été ma bouée en plein milieu d’un naufrage psychologique. Je ne les remercierais jamais assez.

Les heures et les jours qui ont suivi, sont difficilement définissables. Je ne suis pas sure de trouver les bons mots pour les qualifier. Nous voguions entre une impression d’irréalité et de brutalité de la triste réalité.
Comment cela pouvait il être possible de perdre ses deux parents/grands parents à moins de 24h d’intervalle. Cela ne pouvait être qu’un cauchemar, nous allions forcément nous réveiller à un moment ou à un autre.
Et puis non, on était vite ramenés à la dure réalité. Dès que quelqu’un s’asseyait en bout de table, place réservée habituellement à papa. Dès que l’on croisait un regard noyé. Dès que l’on voyait des joues inondées de larmes. Dès que l’on se lançait dans les démarches pour préparer les obsèques, la cérémonie... quoi de plus réel que ça...

Pendant ces jours là, malgré la tristesse nous avons réussi à rester forts, plus unis que jamais. C’est l’amour qui nous a soutenu. Leur amour pour nous, notre amour pour eux, et l’amour qui existe entre chaque membre de cette merveilleuse famille.

Très vite nous avons souhaité partager notre peine et nos déclarations d’amour. Nos textes se sont enchaînées sur les réseaux sociaux. Ils étaient magnifiques.
Il nous est apparu évident que nous devions faire quelque chose de spécial le jour de la cérémonie. Nous ne voulions pas d’un hommage banal énoncé par un prêtre. Nous voulions un hommage qui venait de nos cœurs.
Mon frère a dit « je sais ce qu’il faut qu’on raconte. J’ai une idée, je vous prépare un texte ».
Il a donc écrit le premier jet d’un magnifique texte qui racontait leur histoire d’amour, notre histoire...
Nous l’avons ensuite modifié plusieurs fois pour que chacun apporte ses propres idées, sa petite touche personnelle. Mon frère l’a modifié presque jusqu’à la dernière minute tellement il voulait que ce soit parfait.

Pour la fin de la cérémonie, nous avons préparé des messages personnels que nous avons réussi à lire (presque) sans pleurer. Nous avions besoin de dire à haute voix ce que nous avions au fond du cœur. Nous sommes fiers d’avoir réussi.
La cérémonie a été magnifique et le message que nous voulions faire passer a atteint le cœur des personnes présentes.
Nous avons eu de nombreux retours positifs. Une collègue de mon frère lui a dit « en écoutant votre histoire, j’ai regretté de ne pas avoir connu tes parents »
À la sortie de l’église mon chef m’a dit « je vous ai reconnue dans tout ce qui a été raconté. Ils peuvent être fiers de vous ».
Une collègue m’a dit « vous êtes une famille formidable, on sentait l’amour entre vous. C’était beau »

....

Notre mission était réussie, nous leur avons rendu un bel hommage, émouvant et plein d’amour.